Dans un arrêt en date du 5 mars 2025 (Cass. 1ère civ., 5 mars 2025, n°23-10.360), la Cour de cassation devait se prononcer, dans le contexte d’un partage successoral conflictuel, sur la question de la prescription de l’action en sanction du recel successoral au sens de l’article 778 du Code civil.
Dans l’affaire en cause, l’un des deux enfants considérait que l’autre avait commis un recel sur une partie du prix de vente d’un bien successoral.
En appel, sa demande est jugée irrecevable par les juges du fond qui estiment que l’action, soumise à une prescription extinctive de 5 ans, est en l’occurrence prescrite puisque la découverte par le demandeur des mouvements bancaires permettant de suspecter le recel remontait au 4 mars 2014, tandis que l'assignation datait du mois de janvier 2020.
Cet héritier forme alors un pourvoi en cassation, en faisant valoir que l’action en recel successoral se prescrit de la même manière que l'option successorale, c'est-à-dire au terme d'un délai de dix ans pour les successions ouvertes après le 1er janvier 2007, conformément à l’article 780 du Code civil
La Cour de cassation rejette le pourvoi et conforte la décision de la Cour d’appel quant à l’existence d’une prescription quinquennale de droit commun indépendante du délai d'option : « A défaut de texte spécial, l'action en sanction du recel successoral prévue à l'article 778 du code civil, qui présente le caractère d'une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du même code ».
Observations.

Cet arrêt de la Cour de cassation permet de poser une règle claire : l’action en sanction du recel successorale se prescrit par cinq ans à compter de la découverte par l'héritier victime de la dissimulation frauduleuse (qui peut porter sur un bien indivis, une donation rapportable ou encore l'existence d'un cohéritier).
Il permet aussi d’indiquer que cette prescription n’est pas calquée sur le délai d’option successorale de 10 ans de l’article 780 du Code civil, et ce alors même que la demande de sanction du recel suppose d’engager une action en partage judiciaire qui elle-même suppose d’avoir accepté la succession.
Ceci posé, et comme cela a également été relevé par un autre commentateur de l’arrêt (v. C. Durassier, note Cridon Sud-Ouest du 7 mars 2024), il ne faut pas se méprendre sur les effets de ladite prescription.
En effet, les sanctions spécifiques du recel consistent à réputer l’héritier receleur acceptant pur et simple de la succession (et ainsi de l’obliger au passif ultra vires), et à le priver de tout droit sur les biens ou donations qu’il a recelés sans pour autant diminuer sa part contributive au passif (C. civ. art. 778),
L’application de cette sanction suppose évidemment que le receleur commence par restituer à la masse partageable (en nature ou par équivalent) ce qu’il en a soustrait, pour que ces actifs se partagent ensuite sans lui.
Cela dit, si le recel est irrecevable parce que prescrit, l’héritier reste malgré tout tenu de restituer à la masse partageable les biens et donations jusque là dissimulés sur lesquels ses cohéritiers ont des droits directs du seul fait de leur qualité d’indivisaires copartageants. Ce qui change, par rapport à l’hypothèse précédente, c’est que l’héritier fautif pourra lui aussi faire valoir ses droits sur ces actifs une fois que la masse sera reconstituée.
Dit autrement, la prescription du recel ne fait qu’opérer un retour à la normale, à ce qu’aurait dû être le partage successoral en l’absence de toute dissimulation. Pour les cohéritiers qui se voient opposer la prescription, les conséquences de leur inaction restent donc mesurées, à l’inverse par exemple de se qui peut se produire s’ils tardent à agir en réduction contre une libéralité visant à les exhéréder.
Exemple. Une succession avec deux héritiers acceptants. La succession comporte des liquidités pour 20 et d’autres biens pour 60.
En l’absence de toute dissimulation, chaque enfant a droit à la moitié de la masse partageable, soit 40 chacun.
Si l’un des enfants dissimule à son profit les liquidités et se trouve condamné pour recel, il est débiteur de l'intégralité de la somme, alors même que ses droits successoraux vont être calculés uniquement sur la moitié des biens non recelés, soit ½ de 60 = 30. Le receleur se voit donc attribuer sa dette en moins prenant (20) et ne peut plus prendre que 10 sur le reste des biens (contre 50 pour son frère).
Si l’un des enfants dissimule à son profit les liquidités mais que l’action en sanction du recel est prescrite, ce dernier doit toujours les restituer à la masse partageable, qui va ensuite se partager également entre les deux enfants (soit de nouveau 40 pour chacun), comme dans la première hypothèse.
La prescription du recel n’a donc pas pour effet de permettre à l’auteur de la dissimulation de conserver pour lui seul les liquidités (20) et de demander ensuite la moitié des autres biens de la succession (30).
On rappellera pour terminer, à l’attention de ceux qui seraient intéressés par un point plus complet sur la question du recel, un autre arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 11 déc. 2024, n°23-12.102), qui fournit deux autres précisions utiles, l’une sur la notion de masse partageable (le recel étant concevable alors même que l’indivision n’est qu’en nue-propriété), l’autre sur la notion d’héritier receleur (qui peut s’appliquer à une personne venant au partage successoral du père de son époux, ce dernier étant lui-même décédé avant la réalisation dudit partage).
Cet arrêt est commenté ici : https://www.alsnot.fr/post/recel-successoral-et-recel-de-communaut%C3%A9-pr%C3%A9cisions-utiles-sur-la-notion-de-masse-partageable-et-s
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